Le premier confinement en mars 2020 a considérablement touché la profession. Certes, le métier de journaliste a été immédiatement reconnu comme « essentiel » et donc « autorisé à travailler ». Mais les médias, outre qu’ils ont en urgence organisé le travail à distance, ont aussi immédiatement procédé à des réductions d’effectifs.
Au premier rang : les indépendant.e.s, qui, tout comme les intérimaires, ne représentaient plus, aux yeux des médias-clients, qu’un coût qu’il était facile de supprimer. Les pertes de revenus atteignaient 60, 80 et même 100% dans de très nombreux cas, particulièrement dans les secteurs « fermés » par les autorités, notamment la culture et le sport.
C’est donc vers les journalistes indépendant.e.s que se sont dirigés, principalement, les efforts de l’AJP. C’est ainsi que, munie d’informations chiffrées récoltées auprès de cette catégorie de journalistes, l’Association a convaincu la ministre des médias de débloquer un budget dédié à leur soutien : le fonds Freelance était né, avec un budget alloué de 550.000 €. Il fait l’objet d’un chapitre dédié dans ce rapport d’activité.
Pour lutter de front contre la propagation du COVID, et contre un écroulement des recettes publicitaires (jusqu’à 80% pour certaines télévisions locales), les rédactions n’ont pas seulement pris des mesures d’hygiène et de télétravail. Diverses mesures d’économie comme le recours au chômage économique pour un ou plusieurs jours par semaine ont été décidées par les directions, auquel certaines ont ajouté un complément à l’indemnité de chômage afin de rendre la mesure « plus digeste ». La réduction, parfois même la suppression, du recours aux indépendant.e.s et/ou intérimaires, mais aussi des mesures bien plus scandaleuses, comme la « demande » par Rossel que les journalistes du groupe renoncent « volontairement » à 7% de leur salaire tout en continuant à travailler à temps plein, ou la diminution imposée de factures d’indépendant.e.s au motif que le droit passerelle leur fournissait « une augmentation », ont également été testées par des directions de médias. On notera d’ailleurs que la plupart des mesures les plus radicales n’ont pas été reconduites au cours du « deuxième confinement ». Il est également important de savoir que le droit passerelle, initialement prévu pour mars, avril et mai est toujours d’actualité, dans sa version « crise », qui garantit l’indemnité mensuelle complète même si l’interruption de travail ne dure pas tout le mois.
Chaque fois que les directions ont cru pouvoir imposer, au nom d’une « solidarité avec l’entreprise », des mesures défavorables, voire illégales, aux travailleur.euse.s, salarié.e.s ou indépendant.e.s, l’AJP s’est manifestée et a obtenu que les mesures au-delà de ce qui était acceptable soient rétractées ou aménagées de manière à ce que les journalistes ne soient pas les victimes d’une situation qui a bousculé tout le fonctionnement de la profession depuis quasi un an. Et sans doute durablement.
En effet, les mesures de distanciation, les restrictions d’accès, les limitations de déplacement ou, plus récemment, la fermeture de frontières ont fortement influencé les pratiques. L’entretien par téléphone s’est généralisé, tout comme les réunions par vidéo-conférence ainsi que le travail à domicile. Des rédactions ont régulièrement tenté de « faire revenir » les journalistes sur place, en fonction des recommandations en vigueur et surtout des relâchements de celles-ci, mais elles ont aussi constaté qu’il n’y avait, en télétravail, aucune perte d’efficacité. De nombreux journalistes ont ainsi gagné en qualité de vie, supprimant des trajets parfois longs et articulant différemment vie professionnelle et vie privée. Beaucoup ont cependant souligné la difficulté de réaliser l’aspect « collectif » du métier, les réunions en distanciel ne reproduisant que difficilement celles qui rassemblaient autour d’une table.
Ces mesures, dont le couvre-feu, ont également impacté la liberté de se déplacer à l’intérieur du pays. Bien que les journalistes aient été épargnés par des mesures directes, étant considérés comme « essentiels », les interrogations furent nombreuses, à propos des tests et/ou quarantaines à prévoir, des endroits (maisons de repos, hôpitaux, …) où les autorisations d’accès étaient difficiles à obtenir. Récemment, la fermeture quasi-complète des frontières belges a posé de nombreuses questions tant les démarches administratives tendent à limiter la circulation effective des journalistes, et donc de l’information. D’autant que les pays voisins, ou plus lointains, édictent d’autres obligations administratives et des mesures de restrictions des déplacements
Les autorités ont tenté de viser le plus large possible en octroyant différents types d’aides. Mai, malgré des suggestions de critères plus efficients par l’AJP, certaines franges de la profession sont demeurées hors du champ des indemnités et allocations proposées. Ainsi, les indépendant.e.s complémentaires sont demeurés exclu.e.s du droit passerelle en raison de la dispense de cotisations sociales qui leur est légalement octroyée ; les aides régionales ne concernaient que certains code NACE et non ceux des professions « autorisées » comme l’était le journalisme ; ces aides régionales ont calqué leur attribution sur l’obtention du droit passerelle alors qu’on a vu que certain.e.s en étaient exclu.e.s et n’ont par conséquent pas pu prétendre aux aides régionales non plus. Enfin les statuts « hybrides » (Smart, Merveille), n’ont eu aucun accès aux aides publiques.
Pour ceux et celles-là notamment, le fonds Freelance initié par l’AJP en Fédération Wallonie-Bruxelles a constitué un soutien indispensable.
En télétravail depuis la mi-mars 2020, l’équipe a adapté en distanciel tout ce qui, dans son fonctionnement, pouvait l’être. Certaines actions et activités programmées ont cependant été profondément touchées. On pense ici aux formations d’AJPro annulées, reprogrammées puis annulées à nouveau, ainsi qu’aux séances « Journalistes en Classe », ou encore à la campagne « Rédactions Zéro Sexisme », reportée à 2021. Certaines réalisations furent impossibles, comme cela fut le cas pour la Summer School ou le Speed dating ‘Emploi et Piges’.